• Non, non et NON !

Cruelle décision rendue par ce satané William. Une fois de plus, le sulfureux Grell ne récupèrera pas sa faux de la Mort. Sa chère et tendre tronçonneuse restera au placard, à prendre la poussière. Pris d'un soudain dégoût pour cet homme, il quitte son bureau en claquant la porte. Pourquoi tant de haine à son égard ? N'a t'il donc pas été plus qu'exemplaire ces derniers jours ? Sa colère se propage le long du couloir le ramenant à l'accueil de la Dispatch. Seul face à ses tourments, il tombe à genoux sur le marbre immaculé du grand hall et le frappe de ses points. Sa frénésie le démange un instant, puis s'estompe sous les larmes.

• Je me vengerai de toi, mon Willy...

Le shinigami se relève enfin et recoiffe sa longue chevelure écarlate. À quoi bon mon cher ? Spears a toujours le dernier mot. Un jour prochain, il sera contraint et forcé de le lui rendre. Lâchant un soupir bruyant, et sentant son estomac se plaindre de la faim, ce dernier se dirige avec nonchalance vers la cafétéria. Les mains dans les poches, il observe au loin les nouvelles recrues. Dommage qu'il n'y en ait pas eu davantage... La Dispatch manque d'effectifs, encore une fois. Tous les services en souffrent, à croire que plus personne ne souhaite intégrer la haute fonction de Dieu de la Mort. Il soupire à nouveau, se détournant de ces visages juvéniles pour s'engouffrer dans une salle immense, entièrement vitrée et donnant sur les infrastructures de son univers. Grell sourit. Il ne se lassera jamais de cette vue.

Certains de ses collègues se retournent et observent l'énergumène se servir au buffet. Sa notoriété le dépasse, il en a parfaitement conscience. La diva qui sommeille en lui ne cessera jamais d'intriguer quiconque la croisera sur sa route. Profitant des regards, Grell ondule son corps au gré de ses gestes et part s'installer à une table, le long d'une baie vitrée. Très soucieux de sa taille de guêpe, il attaque ses crudités, concentrant ses pensées sur les shinigamis présents autour de lui. Difficile de passer inaperçu sous son regard perçant... Alors ? Qui sera sa prochaine victime ? Ses iris couleur absinthe auscultent chaque visage à la loupe. Il ne connait que peu de ses semblables, trop occupé à satisfaire ses propres désirs. Bien que son charisme soit plus poignant auprès de la gente masculine, c'est sur une femme où le sulfureux se jettera à corps perdu.

Cette chevelure d'or nouée en couette épaisse, cette silhouette élancée, ces ongles aussi rouges que le sang et cette fine monture noire collée au visage... Oui, sa frimousse lui est familière. Elle porte un prénom peu commun, aux notes épicées... Ginger ! Oui, c'est ça. Il l'a déjà croisé à plusieurs reprises, mais où ? Bien décidé à lui tenir la conversation à ce sujet, il se lève de sa chaise, empoigne son plateau et s'approche de la demoiselle.

• Bonjour Ginger. Puis-je m'installer à votre table ?

Cette dernière le remarque, incrédule. Grell lui lance son plus beau sourire tandis qu'il prend place sans attendre son consentement.

• Bonjour, Grell Sutcliff

Elle sourit à son tour, nullement dérangée par son incrustation à sa table. Grell la dévisage un court instant. Cette Ginger a de l'allure, il faut le reconnaitre. Dommage que la gente féminine ne soit pas son souci. Elle s'hydrate et lance le dialogue.

• Comment cela se passe-t-il chez la Section de Récupération ? Vous arrivez à vous en sortir malgré le manque d'effectif ? J'ai entendu dire qu'un démon se baladait en Angleterre est-ce vrai ?

S'il n'y en avait qu'un... De quel service peut-elle provenir pour ignorer ce qui se trame dans cette chère vieille Angleterre ? Un bon Dieu de la Mort se doit d'être un peu plus au courant, ou est-ce une qualité inhérente à sa fonction de faucheur ? Difficile à dire, et dans le fond... il s'en fiche. Son estomac le suppliant de se restaurer, le sulfureux shinigami attrape sa fourchette et reprend la dégustation de ses crudités, songeur.

• Ô ma chère, si vous saviez... Nous sommes débordés. Je ne compte plus le nombre de nuits passées à récupérer les âmes meurtries de Londres... Et avec des ciseaux ! Non mais quel scandale !

Sa voix haut perchée suscite quelques soupirs de la part de ses collègues aux alentours. Il reprend cependant son calme, toussant discrètement, serrant le poing devant ses lèvres crispées par la haine. Ses pupilles se dilatent et se plongent sur le reflet de l'immense vitre, admirant les édifices propres à la Dispatch.

• Veuillez m'excuser. Je ne supporte toujours pas la sanction de William Spears. Il n'est pas décidé à me rendre ma faux customisée. Sombre crétin...!

Il agrippe son verre d'eau pétillante et l'avale d'une traite. Grell ne reculera devant rien pour récupérer sa précieuse. Bien qu'un plan diabolique se tisse dans sa tête, si dangereux qu'il risquerait d'être banni pour l'éternité, ça ne l'empêche pas de jubiler. Avoir Willy sur son propre terrain de jeu... se délecter de son humeur noire... Sublime. Le voilà tout chose à nouveau ! Ses joues se couvrent de pourpre et ses yeux d’absinthe brillent de désir. Pauvre Ginger qui ne doit rien saisir de ses humeurs !

• Pour répondre à votre question, les démons vont et viennent à la capitale. Mais en ce moment, deux sont à surveiller... de très près.

Il lui lance un clin d’œil complice.

• Et vous ma chère ? J'espère que vous vous y retrouvez dans vos papiers ! Puis-je vous demander votre secteur ?

• J'enchaîne les nuits blanches...

Grell la dévisage un peu plus, non étonné par ces quelques mots prononcés instantanément. Il imagine très bien le scénario. Ginger prise dans ses rapports à n'en plus finir, lui en train de se débattre avec toutes ces âmes en peine.

• Les dossiers ne font que croître et nous sommes aussi en manque d'effectif. Je travaille au service de la Médecine Légale, je suis d'ailleurs étonnée que nous n'ayons pas encore eu à travailler ensemble.

• La Médecine Légale dites-vous ? C'est fascinant, vraiment. Je n'ai pas la patience pour ce type de poste. Ça ne m'a jamais attiré. Être sur le terrain, il n'y a que ça de vrai ! Vous devriez essayer.

Est-ce que cette shinigami serait en mesure d'accomplir son devoir dans les ruelles délabrées de Londres ? Très probablement. S'il en a l'occasion, il pourrait lui demander de l'accompagner. Mais sans sa chère tronçonneuse... Mais au fait, ne lui a t'elle pas posé la question à son sujet ? Il semble que oui, mais Grell était comme obnubilé par ses pensées noires. Prenant quelques bouchées de ses crudités, il jette un vif coup d’œil aux alentours, de crainte de croiser le regard froid de William.

• Vous m'avez demandé... Pourquoi ma faux m'a été si sauvagement confisquée ? Hum... Sujet délicat belle demoiselle.

Évidemment. Comment l'excentrique aux yeux d’absinthe peut-il un seul instant admettre qu'il ait un profond dégout pour sa hiérarchie ? Qu'il ne supporte pas qu'on lui donne des ordres ? Qu'il prend un malin plaisir à défier l'autorité à chaque heure du jour et de la nuit ? Impossible. Sa fierté dépasse l'entendement. Même sous la torture, il ne se plierait jamais. Et même si son comportement anarchique est connu de tous, personne ne sait ce qui se trame au plus profond de son esprit. Sebastian, Nora et tout le reste... ils doivent rester enfouis. Replaçant ses lunettes d'une simple pichenette, il sourit à sa collègue et décide de lui énoncer la raison officielle.

• Je ne suis pas un faucheur à plein temps. Il m'arrive de donner... un coup de main à un démon en ville. Mais ces derniers temps, je me suis lié d'amitié avec une louve en cavale. Spears n'a rien voulu entendre. Il pense que c'est de la trahison. Qu'en pensez-vous ?